Metamorphose minérale
A Jack Beng-Thi, Sculpteur de La Réunion.
J’aime cette idée que Jack sculpte son île, au sens propre,
comme le vent ou l’eau, au travers des images de son peuple...
Vouée aux éléments, à la vierge noire, au feu des temples
Quand l’argent de la lune frappe tes minarets,
Folle Fille de la Mer Libre, tu prends ma main pour toujours...
Sous les voiles d’acier de « la route la plus dangereuse du monde »,
Sourd l’eau brutale des avalasses à la vitesse de ton cœur
Quand le cyclone baise la terre.
Les tétrapodes dressés pour la prière cèdent à l’écume leur chair de pierre
Folle Fille de la Mer Libre,
Qui des Hommes te domine, sinon le Temps qui tue ?
Alors nous montons vers les cirques d’ardeur
Par tes bois secrets de fougères, où je ne sais quelle lave
Surgira de ta patience séculaire.
Claire Karm
Mineral metamorphosis
For Jack Beng-Thi, Sculptor from Reunion Island.
I like the idea that Jack sculpts his island, literally,
like the wind or the water, through images of his people...
Dedicated to the elements, to the black virgin, to the fire of the temples
When the moon’s silver hits your minarets,
Mad Daughter of the Free Seas, forever you take my hand...
Under the steel sails of “the most dangerous road in the world”,
The brutal flood wells up at the speed of your heart
When the cyclone kisses the land.
Tetrapods upright for prayer surrender to the foam their flesh of stone
Mad Daughter of the Free Seas,
Who among men dominates you, other than Time that kills?
And so we climb up to the craters of heat
Through your secret fern woods, where a lava to my sight unknown
Will emerge from your patience of centuries.
Claire Karm
Lemurie, 2000. 8 x 4 x 3 m. Espace fermé. Enclosed space. Déchets de charbon, lumière et fumée. Coal, light and smoke. COLL. Jack Beng-Thi. PHOTO G. Roméo. Photo sur bâche. Photograph on canvas 2 x 1,20 m.
Mémoires de pierres noires, 2000. 4 x 1,40 x 0,50 m. Bois, acier, anthracite, bambou et fils de raphia. Wood, steel, anthracite, bamboo and raffia threads. Galerie Éphémère Belgique. PHOTO G. Roméo. Photo. Photograph 2 x 1,30 m.
Le dernier chant du canari
De l’altiplano sous l’oeil perçant de l’aigle
Des entrailles du Jixi la rouge,
je te retrouve dans ton habit bleu de chauffe,
après ton passage dans la salle des pendus...
Ici
Dans la mine du Bois du Cazier
Août 1956
Marcinelle !... Marcinelle...!
ton coeur bat très fort
A Marchienne, chienne de vie
le fragile canari jaune se meurt d’un nuage mortel...
Il pleut sur la ville comme il pleut sur vos corps
Où êtes-vous? Où êtes-vous ?
Princes des ténèbres
Seigneurs des entrailles de la terre ?
Ali le marocain
Jozef le Tchèque
Osmano le lombard
Nicolas le belge
Cosimo le napolitain
Lyberis le grec
.....................
Aucune voix
Aucun écho
Aucun râle
Aucun soupir
.....................
Tutti cadaveri !!!
Tutti e finito
Jack Beng-Thi,
Mines de Bois Du Cazier, Belgique,
Octobre 2006
The last song of the canary
From the high plain under the eagle’s sharp eye
From the entrails of the red Jixi,
I find you in your blue overalls,
after you’ve been to the hanging room...
Here
In the mine of Bois du Cazier
August 1956
Marcinelle! ... Marcinelle...!
your heart beats very hard
Ah Marchienne, life’s a bitch
the fragile yellow canary is dying from a lethal cloud...
It rains on the town like it rains on your bodies
Where are you? Where are you?
Princes of the dark
Lords of the earth’s entrails?
Ali the Moroccan
Jozef the Czech
Osmano the Lombard
Nicolas the Belgian
Cosimo the Neapolitan
Lyberis The Greek
.....................
No voice
No echo
No gasp
No sigh
.....................
Tutti cadaveri!!!
Tutti e finito
Jack Beng-Thi,
Mines of Bois Du Cazier,
October 2006
Instants euphoriques, 2000. 8 x 2,80 x 4 m. Toile, terre cuite, anthracite, squelette d’oiseau et bois peint. Fabric, terracotta, anthracite, bird skeleton and painted wood. COLL. Jack Beng-Thi. PHOTO G. Roméo.
Manantiales, 2001. 8 x 3 x 1 m. Installation. Fibres végétales, bois, tissus et photographies. Plant fibres, wood, fabric and photographies. COLL. Jack Beng-Thi. PHOTO Agnès Rodier.
L'itinéraire d'une résidence
Jack Beng-Thi a traversé les trois espaces et à la fois articulé les trois moments de la résidence itinérante à laquelle nous l’invitions alors. Entre 2005 et 2009, son travail a pris place à Marseille (France), puis à Khartoum (Soudan) pour enfin s’établir à Dakar (Sénégal). Trois lieux peu anodins pour lui puisque, aussi surprenant que cela puisse l’être, à chacun d’eux, correspond une île. C’est, somme toute, un territoire que Jack Beng-Thi, originaire lui-même de l’île de La Réunion, connaît bien. Évidemment, la situation interpelle. Car a priori, on pourrait à juste titre penser que sa connaissance du contexte le conduirait justement à explorer plus avant cette sorte de familiarité insulaire. Mais, loin s’en faut ! car ces îles n’ont rien d’un refuge. C’est d’ailleurs tout le contraire, du moins symboliquement. Elles sont avant toutes choses des territoires limites. À la marge, pour ne pas dire à la frontière, des villes auxquelles elles s’articulent. Et c’est bien dans ce type d’espace qu’il s’agissait pour lui de s’aventurer. La résidence organisée par l’association Actes proposait en effet aux artistes, en tant que cadre thématique, de se rendre, et en l’occurrence avec les moyens qui sont les leurs, disons plastiques, aux confins des limites parfois ténues qui départagent l’hospitalité de l’inhospitalité. Ou, pour le dire autrement, nous leur proposions de faire l’expérience d’espaces ou de moments dans lesquels l’homme, dans son rapport à soi, touche à ses limites, mais également à celles de l’autre et du monde. Ces moments ou ces lieux décisifs dans lesquels se décide la nature hostile ou hospitalière de notre présence au monde. À Marseille, Jack Beng-Thi choisit de travailler sur l’île du Frioul qui fait face à la ville. Haut lieu de quarantaine, ce pic calcaire perçant au beau milieu de la baie servait de limite maritime extrême, pour ne pas dire de frontière, à la cité phocéenne alors en proie à la peste. Il est encore aujourd’hui un territoire indéterminé qui hésite entre une improbable vocation touristique, un ensemble de friches urbaines qui attendent leur reconversion et l’Hôpital Caroline, ancien mouroir pour marins perdus et actuellement sur la voie d’une réhabilitation qui met à l’œuvre des détenus du centre pénitentiaire des Baumettes. À Khartoum, l’île de Tuti, située à la croisée des trois Nils, fut le point de départ d’un travail achevé dans le désert du nord Soudan. Ce bout de terre, cette quasi-dune, haut lieu de la résistance à l’envahisseur anglais et égyptien, est encore aujourd’hui à la peine face à une promotion immobilière acharnée. Enfin, au Sénégal, c’est l’île de Gorée, un des points de non-retour de la traite négrière, qui l’accueillit. Une parcelle de basalte qui se cherche entre sa vocation de haut lieu patrimonial de l’humanité et son actualité de véritable marché du temple touristique que Dakar essaye d’incarner aux yeux de l’Europe. En chaque lieu, le travail de Jack Beng-Thi trouva son point d’équilibre sur des lignes fragiles. Des fêlures de l’histoire humaine qui bien souvent furent le creuset de drames individuels et collectifs incommensurables. On y verrait volontiers une manière, pour l’artiste, de soumettre le territoire au questionnement ; comme une façon de chercher à savoir en quoi la portée symbolique de ces espaces pourraient nous interroger encore aujourd’hui sur ce que nous sommes à nous et au monde. Mais on percevra surtout ce souci de Jack Beng-Thi de traiter sous forme dialectique le rapport complexe de l’homme à son être et au monde le contenant.
LA LIGNE DE RUPTURE OU VERS UNE CATASTROPHE ONTOLOGIQUE ?
La ligne de rupture, cette installation réalisée à Marseille, procède d’un agencement complexe. On se trouve placé devant une représentation vidéo d’un crâne humain, fait d’une mosaïque d’images de guerre et de paysages naturels (probablement réunionnais) parcourue par un personnage dont l’allure haletante trahit une inquiétante urgence. En vis-à-vis de l’image, se trouve un globe terrestre, lui-même recouvert par une iconographie dramatique (coupures de presse, clichés de guerre, etc.), et entaché d’éclaboussures de boue. Conduisant au cœur de ce dispositif plastique et visuel, une ligne rouge. Évidemment, le crâne n’est autre que le Panthéon de l’essence de l’être ; le lieu où le sens s’articule à la sensibilité. L’espace à la fois clos et éminemment ouvert sur le monde que l’homme ne cesse de parcourir à la recherche de lui- même. Et, face à lui, l’autre entité englobante : la sphère terrestre. Celle sur laquelle, précisément, l’homme poursuit l’histoire ancestrale. Cette histoire longue, comme l’écrivait Fernand Braudel, qui le contient tout autant qu’il en est l’auteur. L’unicité de l’être et celle du monde se retrouvent ainsi prises dans une résonance paradoxale : à quelle intégrité ontologique prétendre dans un monde dont l’unicité est perpétuellement remise en cause ? À l’évidence, le travail de Jack Beng-Thi semble nous dire qu’il n’est plus l’heure de penser le tout en son entier. À l’épreuve du monde contemporain, le beau et le vrai ne tiennent plus d’un seul bloc. Ou, du moins, ils ne se donnent plus à l’être dans leur transparence. L’histoire et l’actualité du monde, le rapport à la nature et à l’Autre en tant que Soi, n’ont plus rien de transcendant. Plus que jamais, l’en-soi de chacun, la mémoire individuelle et collective, le rapport à l’Autre et au monde, se construisent non plus par identification à des valeurs surplombantes données a priori, mais par composition ou agencements successifs. Car le tout du monde ne tient plus comme espace de l’humain tandis que l’esprit humain, en tant que lieu du tout de l’humain, se fragmente. Alors, plus que jamais, si le malaise est dans la civilisation (comme pu le penser Sigmund Freud à l’aube du XXème siècle), c’est aussi qu’il est dans l’être. Mais la ligne rouge semble dire plus ! Elle sort l’installation d’une intention seulement sentencieuse. Elle nous place sans nul doute devant le choix de la transgresser ou pas. Jack Beng-Thi nous demande simplement jusqu’à quel point nous sommes prêts à l’outrepasser. Jusqu’où irez-vous ? nous dit-il. Êtes-vous prêts, nous questionne-t-il, à remettre en cause l’ordonnancement de l’être et de l’universel et ce à tel point que l’expression du monde et de soi n’ait plus rien de virtuelle ? Auquel cas, l’homme serait, et à tout jamais, la victime essentielle de cette destruction ontologique. En contrechamps, une seconde œuvre, Les silences de la frontière : inspirez! Respirez! , rappelle cette alternative néfaste. Il s’agit d’une vidéo qui fait défiler en boucles des images de corps inanimés reposant au milieu de détritus. Des nuages, en surimposition, parcourent le désastre ; le temps passe est n’y change rien ! Désormais, il est trop tard. Dans le noir, pas à pas, le spectateur a pris part à la ritournelle macabre. Il a franchi la ligne et outrepassé le seuil de l’humanité pour atteindre l’inhospitalité.
SHOBALI : ENTRE IMMANENCE ET TRANSCENDANCE
Au cœur des trois Nils, sur l’île de Tuti, le travail de Jack Beng-Thi a pris une forme toute autre. L’approche n’a pas été résolument plastique et s’est déroulée en deux moments. D’une part, il filme Daf Allah Ali, un poète également musicien-interprète et ethnomusicologue. L’homme guide d’un pas léger un dromadaire surmonté d’une pyramide fleurie d’une multiplicité d’essences exotiques. La lenteur de la marche, mêlée de mélopées susurrées, confère à la présence de ce lyrique pèlerin un caractère éthéré. Quasi intemporelle, la situation a quelque chose de transparent. On touche presque à une sorte d’absolu, pour ne pas dire d’évidence de l’être dans son rapport à la nature. Le processus de la marche, forme par excellence de l’immanence du monde, s’allie parfaitement à cette forme de transcendance que symbolise la figure pythagoricienne du triangle. Son équilatéralité, qui dans certains cercles incarne la terre, semble indiquer une triangulation possible entre l’être, le monde et la nature. Équivalence pour le moins signifiante dès lors qu’elle se trouve prise dans le mouvement même qui ne cesse de la faire advenir sans jamais qu’elle puisse se laisser fixer. Le geste vidéo, quant à lui, excède dès lors ses fonctions d’enregistrement. L’image-mouvement invitant à prendre le temps pour voir les choses dans leur réalité. Et c’est à cela que convie le second moment du travail de Jack Beng-Thi. La pyramide de fleurs trône à présent dans la salle d’exposition. Sur un lit de sable, et de son intérieur, l’image de sa circulation poétique défile sur la surface de projection. Elle montre bien plus que son simple déplacement. Ce dernier symbolise, contre toute évidence, le temps de la rencontre en train de se produire entre des éléments culturels, certes, étrangers les uns aux autres, mais entraînés par la scansion du poète. Une rencontre dont l’image, a priori, l’identité, pourrait tenir de l’artifice, mais que le temps réel de la vidéo nous dévoile, précisément, dans toute la complexité de son agencement en train de s’opérer incessamment. Cette coïncidence entre transcendance et immanence de l’être et du monde forme-t-elle une issue pour l’être ? Une lecture cursive de ce travail vidéo laisserait à penser que tel est le cas. Mais, à l’instar de son travail marseillais, Jack Beng-Thi place une seconde œuvre en contrepoint. Une seconde œuvre qui vient comme pour interroger la première. Une vidéo sculpture, Qui a bu l’eau du Nil ?, diffuse l’image d’un homme en prise à des eaux tumultueuses. Mais ne nous y trompons pas, l’image représente moins celle d’un homme en train de se noyer, que le péril qu’il encourt. Elle attire notre attention sur la survenance possible de l’irréversible qui peut advenir à chaque instant.
TERRITOIRE DE GORÉE : PAROLES ET FRANGMENTS DE MÉMOIRES
Sur l’île de Gorée, la réflexion se poursuit. Troisième acte, donc, d’un triptyque qui ne s’annonçait pas en tant que tel. Un arbre majestueux occupe le centre de la pièce. Un fromager qui, à nouveau, tire une correspondance directe entre la terre volcanique de Gorée et celle non moins tourmentée de La Réunion où l’arbre est plus connu sous le nom de Kapokier. Au centre d’un cercle de braises, l’arbre est ceinturé de rouge. Retour de cette ligne rouge qui cette fois enserre plus qu’elle ne sert de seuil. À partir de ses branches épineuses se déploient des calicots qui flottent au gré du vent. Chacun d’entre eux exprime des bribes de citations, d’alphabets ancestraux, de témoignages de l’urgence du monde ou de cris d’espoir. Autant de matières expressives qui rendent compte du réel humain. L’arbre de vie, ou plutôt sous le poids de ses mots, l’arbre de cris incarne les temps immémoriaux de l’homme qui s’enracine et les temps actuels qui toujours le malmènent et le pousse plus loin. Sa présence et ses paroles s’arriment à la terre et tout à la fois s’évaporent dans le temps infini de l’air qui brasse son feuillage. Il est l’immanence de la vie qui emporte avec elle le temps et l’espace tout autant qu’elle défie le caractère fini du monde et explore la nature infini de l’esprit. À travers ses cris et ses heurts, la mémoire des corps et la vie des âmes cherchent éternellement à advenir pour ce qu’ils sont entre déracinement et racinements. Dès lors, une réponse affleure. Cette dernière proposition de Jack Beng-Thi se pose en hypothèse : si tant est que la catastrophe soit ontologique, elle n’a rien d’absolu. Elle est, certes, le marqueur de notre âge spectaculaire, mais elle est aussi fondatrice de ce qu’est l’être : à savoir, un ensemble de forces virtuelles toujours en mouvement. Ne cédons alors à aucune attitude blasée ni même à aucun nihilisme, semble nous dire le travail de Jack Beng-Thi. Prenons plutôt le temps d’agencer le mélange instable de nos essences, apprenons à composer nos mémoires et nos devenirs, pour faire venir le monde à forme humaine. En somme, c’est toucher ici au propre de l’hospitalité.
L’AUTRE COMME ALTER EGO
Voilà, du moins me semble-t-il, ce que Jack Beng-Thi travaille : cette idée de l’homme en tant que lieu de mémoire et de devenir perpétuellement confronté à l’imminence de cette catastrophe ontologique qui le guète. Il le fait sans jamais céder à une sorte de cynisme post-moderne qui consisterait simplement à annoncer la catastrophe. Chaque proposition plastique consiste pour Jack Beng-Thi à prendre le temps de nous arrêter. Il suspend le temps et nous questionne sur ce que nous sommes au monde et sur ce que le monde peut être pour nous. N’est-ce pas là, in fine, le moment essentiel qui départit l’hospitalité de l’inhospitalité. Cet instant rare où l’on accepte, à travers le regard que l’autre porte sur nous, de redéfinir ce que l’on est pour lui tout autant que ce en quoi il nous est essentiel.
Gilles Suzanne, Marseille
A roving residency
Jack Beng-Thi has passed through the three spaces while articulating the three phases of the touring residency we had invited him on. From 2005 to 2009, he developed his work in Marseilles, France, from where he moved to Khartoum, Sudan, before finally ending up in Dakar, Senegal. Three singular locations for Beng-Thi given that, as surprising as it may seem, each one has an island attached to it. At the end of the day, this is the territory familiar to Jack Beng-Thi, himself born on Reunion Island. Obviously enough, we were struck by the situation. To begin with, we might believe that it was precisely the recognizable setting, the insular familiarity, that drives him on to explore it in even greater depth. But nothing could be further from the truth. Because those islands are not isolated protective shelters. In fact, they are the complete opposite, at least symbolically speaking. They are, first and foremost, borderland territories. On the margins, not to say on the outskirts, of the cities they are connected to. And he had to explore that kind of space. The residency organised by the Actes association provides a thematic framework in which the invited artists address, using their own means, in this case visual, the sometimes fuzzy line separating the hospitable from the inhospitable. In other words, we asked them to experiment with spaces or moments in which human beings are aware, in their relationship with themselves, of their own limits but also of those of others and of the world. Those pivotal moments or places in which the hostile or hospitable nature of our presence in the world is decided. In Marseilles, Jack Beng-Thi decided to work in the Frioul archipelago, a small group of islands just off the city’s coastline. Once a place of quarantine, the limestone crags rising up in the middle of the bay were the extreme boundary, not too say border, of Marseilles when it was devastated by the plague. Even now, it is an undecided territory caught somewhere between an unlikely tourist destination, a disperse urban area waiting to be rezoned, and the Hôpital Caroline, an asylum where many sailors spent their last days, at present in the process of refurbishment with labour from the Baumettes penitentiary. Tuti Island, near Khartoum, in the meeting point of the three Niles, was the starting point for a body of work that was ultimately finished in the desert of north Sudan. This piece of land, almost a dune, a milestone in the resistance against English and Egyptian invaders, is still fighting, but this time against ferocious urban development. Beng-Thi’s final destination was Gorée Island belonging to the city of Dakar in Senegal, and a point of no return for the slave trade. A fragment of basalt on the cusp between its vocation as a world heritage site and its commodified present condition as a tourist attraction, what Dakar wants it to be for Europeans. In each emplacement, the work of Jack Beng-Thi found its fulcrum on frail lines. On the fault lines of human history that were often the site of terrible personal and collective tragedies. We might think that, in doing so, the artist puts the territory to the test, that he tries to question to what extent the symbolic value of those spaces could challenge us, about what we are for ourselves and for the world. But, more particularly, we note the care with which Jack Beng-Thi dialectically handles the complex relationship of humans with their own being and with the world containing them.
LA LIGNE DE RUPTURE OR TOWARDS AN ONTOLOGICAL DISASTER?
La ligne de rupture [The Line of Rupture], the installation made in Marseilles, is a complex composition. Outwardly it is a video representation of a human skull that is a mosaic of images of war and natural landscapes (probably from Reunion), on which a character walks with great purpose, suggesting a pressing urgency. Opposite this image we see a globe, also covered with dramatic iconography (press cuttings, war photographs, etc.) and soiled with mud stains. A red line leads us to the centre of this plastic and visual installation. Obviously, the skull is the Pantheon of the essence of the being, the place where meaning is connected to sensibility. The space—closed and at once substantially open to the world—is crossed by the man time and again, perhaps in search of himself. And opposite him, another englobing entity: the world globe, where man pursues his ancestral history. That long history that, as Fernand Braudel wrote, contains him and is, at once, his work. The unicity of the being and of the world are thus caught in paradoxical resonance: What ontological integrity can we hope to achieve in a world whose unicity is continually being questioned? Without the shadow of a doubt, what the work of Jack Beng-Thi is telling us is that the time to think of the whole, of its integrity, is now gone. In our contemporary world, the beautiful and the truthful are no longer indivisible. At least, they do not reveal themselves to the being as transparent values. The history and the topicality of the world, the relationship with nature and with the Other inasmuch as Self, are no longer transcendental. More than ever, each one’s self, the individual and collective memory, the relationship with the Other and with the world, are no longer built on an identification with some previously given external values, but on successive combinations or compositions. Because the whole of the world no longer functions as a space of the human at a moment when the human mind, as a place for the whole of the human, is fragmented. Then, more than ever, if the malaise lies in civilisation (as Sigmund Freud believed in the early 20th century), it is also because it is contained in the being. But the red line says something else. With it, the goal of the installation exceeds the sententious. The red line forces us to choose whether to cross it or not. But Jack Beng-Thi goes as far as to ask us up to what point are we willing to cross it. How far do you intend to go? he says. Are you ready, he asks, to contest the programme of the being and of the universal to the point that the expression of the world and of the self is no longer virtual? Should that be the case, the human being would be, definitively, the essential victim of this ontological destruction. In contrast, another work, Les silences de la frontière: inspirez! Respirez! [The Silences of the Border: Inspire! Expire!], reminds us of the disastrous alternative. It is a video showing images of inanimated bodies on detritus, over and over again. Some added clouds pass over the disaster. Time goes by and nothing changes. It is too late. In the darkness, step by step, the beholder has taken part in the macabre refrain. He has crossed the line, and with it the threshold of mankind, to reach inhospitality.
SHOBALI: BETWEEN IMMANENCE AND TRANSCENDENCE
At the centre of the three Niles, in Tuti Island, the form of Jack Beng-Thi’s work is totally different. Its formulation is not resolutely plastic, and it is developed in two times. On one hand, he films Daf Allah Ali, a poet who is also a musician and an ethno-musicologist. With agile movements, the man leads a dromedary on which we see a pyramid of exotic flowers. The slow motion, accompanied by the sound of whispered recitals, shrouds the lyrical pilgrim in an ethereal cloak. The almost timeless situation takes on a somewhat transparent quality. A sort of absolute, not to say evidence of the being in relation to nature, is nearly achieved. The progress of the motion, the form par excellence of immanence in the world, is perfectly in tune with the form of transcendence symbolised by the Pythagorean figure of the triangle. Its equilaterality, which in some circles embodies the earth, indicates a possible triangulation of the being, of the world, and of nature. An equivalence that is at the very least signifying, given that it is trapped in the motion itself, that makes it incessantly happen without allowing it to settle down. In turn, the gesture of the video exceeds its recording functions. The image-movement invites us to invest time in seeing the things in its reality. That is what the second moment in Jack Beng-Thi’s work also invites us to. The pyramid of flowers is what now dominates over the exhibition space. On a bed of sand, and from inside it, the image of the poetic motion slides over the projection surface. What it shows is much more than the mere displacement. A displacement which, against all evidence, symbolises the time for the encounter that is happening among cultural elements that are, no doubt about it, mutually alien but carried along by poetic scansion. An encounter whose image, which a priori we take to be the identity, could be contrived, but which the real time of the video reveals for us with all the complexity of its incessant composition. Is the coincidence between transcendence and immanence of the being and of the world a denouement for the being? And, although a superficial reading of this video work might indicate as much, just like in his work for Marseilles, Jack Beng-Thi confronts it with another contrasting work. A piece that is placed to question the other one. A video-sculpture, Qui a bu l’eau du Nil? [Who Drank the Water of the Nile?], showing the image of a man struggling in troubled waters. But we ought not fool ourselves, more that a drowning man, what the image depicts is the danger he finds himself in. It focuses our attention on the likelihood that something irreversible could happen at any time.
TERRITOIRE DE GORÉE: PAROLES ET FRAGMENTS DE MEMOIRES
The reflection is continued in Gorée Island with Territoire de Gorée: Paroles et fragments de memoires [Gorée Territory: Words and Fragments of Memories]. This then is act three of a triptych that was not announced as such. Here a majestic tree occupies the centre of the piece. A ceiba that once again directly connects the volcanic land of Gorée and the no less tormented land of Reunion, where that tree is more commonly known by the name of kapokier. The tree, at the centre of a ring of embers, is encircled by red. The red line makes its reappearance, but this time more of a fence than a threshold. Fragments of quotes, ancestral alphabets, testimonies of the needs of the world or of cries of hope hang from the thorny branches of the tree and swing in the wind. These expressive materials pay testimony to human reality. The tree of life or rather, under the load of these words, the tree of cries, embodies the immemorial times of the man that sets down roots and the present day times that invariably mistreat him and push him further.
Presence and words are welded to the earth, while in turn being evaporated into the infinitive time of the air that ruffles its leaves. It is the immanence of life dragging time and space along with it, defying the infinite nature of the world and exploring the infinite nature of the mind. With its cries and setbacks, the memory of the bodies and the life of the souls try to be eternally as they are, half way between rootedness and rootlessness. And the answer then emerges. This final proposal by Jack Beng-Thi is formulated as a hypothesis: even admitting that the catastrophe may be ontological, it is not absolute. Undoubtedly, that is what marks our spectacular era, but also serves as the foundation of the being: a number of virtual forces in continuous movement. Do not give in to tedium or nihilism is what the work of Jack Beng-Thi seems to be telling us. Rather, let us invest the time we deem necessary to combine that unstable mixture of our essences; let us learn to compose memories and our becoming to augur the arrival of a world in human form. In other words, arriving to the crux of hospitality.
THE OTHER AS ALTER EGO
That is, to my way of thinking, what Jack Beng-Thi works with: the notion of man as a place for memory and becoming, eternally confronted with the imminence of a hovering ontological disaster. And he does so without ever giving in to a kind of postmodernist cynicism, that would consist of limiting oneself to heralding the disaster. For Jack Beng-Thi, each visual proposal means stopping for as long as necessary. He suspends time and questions us about what we are within the world and what the world could be for us. To cut a long story short, this is the essential moment separating hospitality from inhospitality. That unusual instant in which we accept, through the gaze the other casts on us, to redefine what we are for him and what for us is essential in him.
Gilles Suzanne, Marseille